Sur les sentiers envoûtants du Val Onsernone

20 octobre 2025

Au départ d’un village du fond de la vallée, cette randonnée devient panoramique à mesure que l’on grimpe dans un paysage à couper le souffle. Des centaines de mélèzes embrasent le chemin jusqu’aux eaux cristallines du lac Salei.

Le car postal a juste la bonne taille pour avaler la vingtaine de personnes qui embarque à Losone puis les dizaines de virage sinueux qui conduisent dans les replis les plus reculés du Val Onsernone. Considérée comme la plus sauvage du Tessin, cette vallée séduit immédiatement par les forêts foisonnantes qui coiffent ses versants. L’automne y déballe son plus beau visage, cuivrant un décor rendu scintillant par le soleil.

Nous descendons du bus à Comologno, presque au bout de la ligne. Le village perché à 1085 mètres d’altitude ne paie pas de mine, mais son histoire est intéressante; il s’est développé au 18e siècle grâce à l’essor de l’industrie de la paille de seigle avant de se parer d’élégants palais construits par une riche famille de commerçants français. L’un d’entre eux deviendra le refuge d’artistes et intellectuell∙es antifascistes pendant les années de dictature en Italie et en Allemagne. Avec le déclin de l’agriculture et de l’élevage, la population quitte peu à peu Comologno, qui compte aujourd’hui moins de 100 âmes. Nous ne faisons pas mieux en quittant rapidement les derniers rustici par un tortueux escalier de pierres.

L’itinéraire choisi ne fait que monter pendant un peu plus de cinq kilomètres jusqu’à atteindre les cimes qui culminent à 1800 mètres d’altitude. Dans notre dos, le paysage s’ouvre à mesure que nous prenons de la hauteur. Les forêts rougeoient tout autour de nous.
Après avoir traversé un hameau silencieux, nous nous glissons entre les troncs. Feuillus et conifères mêlent leurs branches et leurs parures, du vert sombre des sapins à l’orangé des hêtres. Au sol aussi, les couleurs sont vivifiantes. Nous marchons sur les pierres grises qui émergent de ce tapis d’automne, comme dans une partie géante de «the floor is lava».

Quelques marches nous offrent un peu de descente jusqu’au flot tranquille de la Ri d’in Erlöngh avant de reprendre de la hauteur. Les arbres se font soudain moins drus, et nous apercevons le toit de la cabane de l’Alp Salei. Le panorama grandiose et le soleil du début d’après-midi nous font plisser les yeux. D’ici, il faut grimper encore une demi-heure dans un tableau rendu presque irréel par la fougue des mélèzes pour atteindre le Laghett di Salei.

Joyau miroitant dans les herbes fauve, le lac reflète la silhouette des quelques arbres qui le bordent. Plusieurs personnes ont, comme nous, visé ce rivage comme objectif idéal pour la pause pique-nique à mi-parcours. Nous nous éloignons donc de l’eau pour trouver un caillou solitaire d’où contempler cette carte postale.

Après la pause, il faut passer le becquet qui surplombe le lac pour entamer la descente. Dépourvue d’arbre, la ligne des crêtes court sur notre droite jusqu’en Italie. Nous plongeons dans le plissement de ces montagnes, sautillant d’une pierre à l’autre sans perdre le rythme. Nous n’avons pas beaucoup de marge, le bus n’attendra pas.

Dans les pâturages, nous passons près des vestiges d’un rustico, puis d’un autre. Leurs pierres ont certainement servi à construire la longue bâtisse devant laquelle dort un imposant tas de bois. En entrant dans la forêt, le sentier se couvre de feuilles, ce qui change la mélodie de nos pas. Entre racines et cailloux, nous trouvons nos accroches pour éviter de glisser.

À Piansecco, nous passons entre les quelques maisons qui surplombe la vallée. Elle s’étend droit devant nous, avec sa succession de versants bleutés dont la silhouette s’estompe au loin. Nous atteignons finalement Spruga et sa route goudronnée alors que le soleil s’apprête déjà à disparaître derrière la cime – juste à côté, en Italie.

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Je m’appelle Camille et je suis touriste professionnelle (entre autres). J’ai créé Lève l’encre en 2017 pour partager le récit de mes voyages à la découverte des paysages de Suisse et d’ailleurs. J’espère te donner envie de voyager, notamment en privilégiant le train – pour la planète, mais aussi parce que c’est une expérience exceptionnelle.

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