Nuit dans un hôtel 1000 étoiles

10 septembre 2020

Deux jours en mode avion au cœur des montagnes valaisannes. Récit d’un séjour parfait entre randonnée et nuit en cabane, dans la douce ambiance d’un refuge niché au pied d’un glacier en pleurs.

Ce matin-là, une pluie fine me chasse d’Avenches. Avec Lucie, ma comparse d’aventures, je prends la direction des montagnes pour un séjour au chalet des Grands, au-dessus du col de la Forclaz. Les nuits en cabane ont quelque-chose d’unique – d’autant plus lorsque l’on connaît les gardien·nes et que l’accueil est toujours aussi convivial.

Au col de la Forclaz, la pluie a laissé la place au soleil et la nature semble ragaillardie de sa douche matinale. La promenade commence le long du bisse du Trient. Le chemin tout plat est facilement accessible (y compris en poussette). Il longe l’ancienne voie ferrée qui reliait le col de la Forclaz au glacier du Trient, à une époque où ce dernier descendait beaucoup plus bas dans la vallée. Le long du parcours, des panneaux didactiques racontent l’histoire du bisse, construit à la fin du 19e siècle.

Les couleurs sont superbes, le chemin pratiquement désert. Vers la fin du sentier, lorsque les mélèzes se font plus épars, on aperçoit enfin le glacier. Tout en haut dans la montagne, sa surface bleutée renvoie les rayons du soleil. Arrivées à la buvette du Glacier, nous quittons le bisse pour enjamber le torrent fracassant.

C’est ici que début notre ascension. Le large chemin de randonnée s’est mué en étroit sentier sinueux. Le soleil veut absolument participer à notre effort, mais des voiles de nuages tempèrent son engouement. La lumière est très belle – tout comme la vue.

Après une petite heure de montée, nous profitons d’un coin ombragé pour faire une courte pause et retrouver Chloé, descendue à notre rencontre. Il nous reste un peu plus d’une heure pour atteindre le chalet. Le temps d’admirer les ruines de quelques chalets en pierre envahis par la végétation, d’hésiter à cueillir les champignons qui poussent le long du chemin pour le repas du soir, de réfléchir à la différence entre «vénéneux» et «venimeux» et d’écouter Chloé (qui vient de passer une semaine là-haut et, le genou peu enclin aux promenades, s’est rabattue sur la compagnie de Tolstoï) évoquer la campagne napoléonienne de Russie.


Sans nous en rendre compte, nous sommes déjà au pied de la rampe de pierre qui permet de franchir les falaises verticales. Le chalet se trouve juste derrière. Trois lacets, un petit pont par-dessus la rivière où tourne péniblement un petit moulin artisanal et nous voici au pied du drapeau suisse! Notre refuge pour la nuit se trouve à 2113 mètres d’altitude, au pied du glacier des Grands. Sur sa terrasse, on admire la vue à couper le souffle: le glacier est sur notre droite, celui du Trient presque en face. Au-delà, les sommets acérés se détachent sur le bleu du ciel.

Après le pique-nique, l’après-midi vient de commencer et nous poursuivons sur notre lancée dans le but d’atteindre le petit lac qui surplombe la cabane. Il y a en a pour une bonne heure de marche, car notre guide nous a prévu un petit détour qui permet d’admirer un décor époustouflant. Et en effet, la promenade est magique; en très peu de temps, on expérimente une successions de paysages différents qui nous laissent sans voix.

Après avoir grimpé sur la petite arrête en profitant de la vue incroyable sur le glacier des Grands, on redescend dans une plaine battue par le vent. Le chemin disparait et nous escaladons un long pierrier dont les immenses cailloux laissent paraître des coins de diamants. Sur la crête, deux chamois voltigent avant de disparaître. De retour au plat, c’est un vaste marécage qui nous accueille. Sa surface est parsemée de centaines de minuscules pompons blancs et doux qui oscillent au gré du vent. Pause. On admire et on se tait, émerveillées, face à la beauté de l’instant.


Lorsqu’on atteint le petit lac, le vent s’époumone et déplace de gros nuages pressés. En passant devant le soleil, ils refroidissent l’atmosphère et nous font frissonner. L’eau n’est pas froide, on y risque un pied – puis l’autre, puis on avance jusqu’aux genoux. Au-delà des prairies vertes, les montagnes grises et caillouteuses striées de neiges éternelles dessinent un décor presque lunaire.

En fin d’après-midi probablement (les téléphones sont éteints depuis la plaine et la notion du temps s’est estompée avec l’altitude), nous retrouvons le chalet et ses murs chaleureux. Quelques randonneur·ses passent encore par ici à la recherche d’un repas ou d’un lit pour la nuit. Malheureusement, la crise sanitaire ne permet pas d’accueillir d’autres personnes dans le dortoir, mais l’étable offre un abri convenable.

Sur la terrasse, on repose nos jambes en prenant l’apéro avant de rentrer cuisiner le modeste festin que nous avons apporté. Derrière les fenêtres, la nuit tombe dans un profond silence. Le chalet est une perle lumineuse au milieu de l’obscurité, minuscule havre blotti dans l’immensité des montagnes.

Au petit matin, la brume noie les alentours du chalet et donne à la nature un contour encore plus paisible. Mais le temps de boire un café sur la terrasse, elle se dissipe et laisse place à une nouvelle magnifique journée d’août. C’est avec le soleil que nous reprenons le même chemin que la veille et retrouvons la civilisation après un peu moins de deux heures de descente.


Informations utiles

Au sujet du Chalet de Grands

Au sujet de la randonnée:
🔸 Durée:
▪ 1 heure à plat le long du bisse (col de la Forclaz à la buvette du Glacier de Trient)
▪ 2h pour monter au chalet
▪ environ 1h pour aller jusqu’au petit lac par le pierrier et le marécage fleuri.

🔸 Difficulté:
▪ Bisse du Trient: accessible à tou·tes
▪ Buvette du glacier – chalet des grands: montée un peu plus exigeante mais pas dangereuse

Un immense merci à Chloé et sa famille, Alain, Séverine et Cielle pour leur accueil, et bien sûr à Lucie, mon infatigable acolyte, toujours partante pour toutes les expéditions.

Catégories : Été | nature | Suisse

4 Commentaires

  1. Lorenz

    Super article, ça donne envie de passer un week-end dans un refuge!

    Réponse
  2. Alain

    Bravo pour ce bel article. Nous avons déjà passé beaucoup de temps dans ce coin que nous apprécions particulièrement. Merci de nous ouvrir à nouveau un peu plus les yeux. Passer ces moments en votre compagnie a été un réel plaisir. Bonne continuation.

    Réponse
    • Camille

      Merci beaucoup! C’était superbe 🙂

      Réponse

Trackbacks/Pingbacks

  1. Le long du Rhône, côté genevois – Lève l'encre - […] n’ai jamais présentée officiellement mais qui est de toutes les meilleures aventures, en train, en montagne, etc) a décidé…

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bienvenue à bord

Je m’appelle Camille et je suis touriste professionnelle (entre autres). J’ai créé Lève l’encre en 2017 pour partager le récit de mes voyages à la découverte des paysages de Suisse et d’ailleurs. J’espère te donner envie de voyager, notamment en privilégiant le train – pour la planète, mais aussi parce que c’est une expérience exceptionnelle.

[photo: © Simon Brunet]

La carte