Les crocus de la Berra

7 avril 2024

Sur les pâturages des Préalpes fribourgeoises, entre les sommets du Cousimbert et de la Berra, fleurit une myriade de crocus blancs et violets. Une belle randonnée au départ de la Roche permet d’admirer cette magie éphémère.

Cette aventure ne partait pas de la meilleure des manières. Alors que je suis en train de boucler une édition du Magazine ATE consacrée à la mobilité de loisirs et dans laquelle nous explorons notamment l’impact de notre dépendance à la voiture sur l’environnement, je m’écharpe à trouver comment rejoindre en transports publics le départ des randonnées vers la Berra. Les itinéraires officiels mis en avant par l’office du tourisme partent d’un endroit nommé Le Brand, mais impossible de s’y rendre en bus un vendredi matin d’avril. Finalement, SuisseMobile m’indique qu’il est raisonnable de partir à pied d’un peu plus bas, à La Roche, où le bus passe toutes les heures depuis Fribourg. Je range ma mauvaise humeur et me mets en route pour ce joli canton voisin…

J’entame la montée à l’ombre de la forêt. Mon objectif est le Cousimbert, d’où je devrais avoir la plus jolie vue sur les crocus, option Berra en fond. Le chemin est humide, rendu glissant par la boue. Ça grimpe sous mes pieds comme au niveau du rythme cardiaque, mais je m’arrête pour reprendre mon souffle et immortaliser les petites fleurs multicolores qui chantent le printemps.

Je rejoins ensuite la route goudronnée qui bientôt serpente entre les fermes de Montsofloz. Les chalets remplacent les maisons, façades en bois et fenêtres fleuries au milieu des pâturages. Encore quelques lacets dans la forêt et j’atteins Le Brand. Au pied du télésiège arrêté s’étend un vaste parking vide. À l’arrêt de bus, la publicité en orange et bleu rappelle «J’y vais en TPF!» Je la dépasse sans répondre à sa provocation et rejoins le départ officiel de la randonnée, un peu sur la gauche de l’installation.

Le sentier s’élance sous les pylônes du téléski. Je me concentre pour ne pas glisser sur les herbes boueuses alors que le dénivelé me fait hésiter à enlever ma veste. Çà et là, des crocus blancs égaient déjà le sol.

Lorsqu’un totem coiffé de flèches jaunes m’en laisse le choix, je prends un peu plus sur la gauche et travers la piste de ski où subsistent quelques nuages de neige sale. Le vent chantonne dans les feuillages, les insectes bourdonnent à mes oreilles. Des escaliers en bois accolés à la pente escarpée soutiennent mon ascension.

La vue est dégagée par une récente coupe qui donne à cet endroit un étonnant caractère. Cachée parmi les derniers troncs, une cabane en rondin donne envie d’attendre le temps des sucres au coin du feu. Ce coteau de la montagne est veiné de ruisseaux étroits. Des petits ponts de bois permettent d’épargner les chaussettes et d’avancer sur le sol humide et spongieux.

Après quelques enjambées à l’ombre d’une dernière forêt, le chemin débouche sur le Graal : un pâturage piqué de crocus blancs et violets. Je grimpe encore un peu pour les voir de haut et, lorsque je me retourne, suis saisie par la vue exceptionnelle. Les fleurs au premier plan, le lac de la Gruyère derrière elles, comme une pièce de puzzle biscornue au milieu des vertes collines.

Je continue de monter en direction de la croix qui marque le sommet du Cousimbert. Il fait plus frais mais la végétation, avec ses buissons secs, me rappelle étrangement celle des calanques marseillaises. Après près de trois heures de montée, je touche au but. Arrivée sur le replat, je reste ébahie devant le spectacle.

Le fleurissement est encore plus impressionnant. Les crocus encore plus nombreux obligent à rester sur le sentier marqué pour éviter de piétiner leurs pétales fragiles. Au loin, la Berra veille, sa tête pointue saupoudrée de neige.

Je suis au niveau du «Cousimbert à Rémy» mais n’irai pas jusqu’au vrai sommet, préférant avancer en direction de la Berra. Les autres sommets dessinent une frise bleu froid qui coure sur ma gauche jusqu’au Moléson, en face de moi.

Après les pâturages, je rejoins le sentier caillouteux qui soudain disparaît sous la neige. Arrivée au chalet de la Berra, je savoure la vue et le pique-nique avant d’entamer la descente.

Le sentier dégringole entre les sapins et les herbes fauves piquées de pâquerettes jaunes (pas sûre de leur nom scientifique). Au Gîte d’Allières, je prends sur la droite et dévale des lacets caillouteux traversant les pistes de ski.

Plusieurs chemins permettent de retourner à mon point de départ. Je retrouve l’ombre d’une forêt de hauts arbres. Leurs racines sortent de terre comme des doigts noueux qui façonnent des appuis pour mes baskets peu sûres.

Je me retrouve finalement sur un tracé de VTT tout en contours mais déserté par les cyclistes. Un arbre couché au pied des autres ressemble au squelette d’une baleine échouée. J’enjambe encore quelques petits ponts de bois avant de retrouver le parking du Brand, puis de reprendre le même sentier que ce matin pour arriver à l’arrêt de bus de «La Roche, village».


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3 Commentaires

  1. Sarah

    Mais cet endroit a l’air incroyable ! Les photos donnent très envie 🙂

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  2. pierrettej

    Superbe rando ! Bravo

    Les photos sont magnifiques . Je connais un peu La Berra en été , la vue depuis le sommet est belle .

    Belle semaine à vous .

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  3. Stéphane

    Magnifique !

    Réponse

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Je m’appelle Camille et je suis touriste professionnelle (entre autres). J’ai créé Lève l’encre en 2017 pour partager le récit de mes voyages à la découverte des paysages de Suisse et d’ailleurs. J’espère te donner envie de voyager, notamment en privilégiant le train – pour la planète, mais aussi parce que c’est une expérience exceptionnelle.

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