Lucerne de A à Z

28 mai 2024

C’est le retour de la randonnée alphabétique. Les règles du jeu sont inchangées : on choisit un canton, on inspecte la carte pour y punaiser une commune en A et une en Z puis on trace le parcours qui les relie, suivant du doigt les lignes jaunes ou vertes proposées par SuisseMobile. Pour cette édition, l’itinéraire traverse le canton de Lucerne d’Est en Ouest, d’Adligenswil à Zell.

Après avoir sillonné les paysages vallonnés du canton d’Argovie l’automne dernier, nous avons rejoué la partition du côté de Lucerne. D’Adligenswil, dans la périphérie du chef-lieu, on sillonne des paysages entre ville et campagne, traversant des rivières et des lacs, longeant des routes et des voies ferrées pour finalement arriver à Zell. Était-ce la plus belle randonnée de Suisse ? Sûrement pas. Mais quelques pépites n’ont pas manqué d’illuminer le chemin.

Après les trains, le bus conduit de la gare de Lucerne au centre du village d’Adligenswil. La jolie église et les maisons aux fenêtres fleuries sont rapidement dépassées et voici que les montagnes majestueuses nous font face. Le Pilate veille, les Pilatus lui tournent autour comme des mouches sous kérosène. Le chemin est bordé de champs et de quelques fermes, mais la nature est feinte, bientôt remplacée par des pelouses de golf immaculées et des marres artificielles. Lucerne est très proche. On entend, on sent la ville qui grouille à deux pas.

L’ombre de la forêt débouche sur un sentier qui serpente entre les quartiers résidentiels jusqu’aux berges sauvages du Rotsee. Le joli lac, oasis de nature, accueille ce week-end les courses de sélection pour les Jeux Olympiques d’aviron. Les lignes perlées de bouées délimitent les couloirs que des athlètes venu·es du monde entier traversent sans un bruit et sans une vague. Pour les touristes non-olympiques, une barque manœuvrée par une aimable locale connecte un rivage à l’autre pour le prix d’un café. Son large ventre boisé contraste avec les coques acérées qui fendent les flots. De l’autre côté du lac, on grimpe entre les champs où paissent vaches et lamas.

Un pont traverse la Reuss et nous mène à Emmen, où l’on marche le long de la route cantonale puis sur la piste de l’aérodrome jusqu’aux casernes militaires. La commune m’apparaît comme un pendant lucernois de Payerne – les voies cyclables en plus.

On s’échappe d’Emmen pour grimper entre les fermes pittoresques et les barres d’immeubles jusqu’à Rothenburg. Un joli pont en bois enjambe le ruisseau jusqu’à boulangerie du coin, arrêt parfait pour le dîner.

L’après-midi nous éloigne des chemins bitumés pour des sentiers plus étroits et agréables. Dans les villages traversés tout au long du périple, des pancartes à l’effigie des dessins animés que l’on ne connaît plus célèbrent l’arrivée de bébés qu’on ne connaîtra jamais. Entre Rothenburg et Sempach, le ciel se couvre d’inoffensifs nuages cotonnés.

Après un passage sous l’autoroute, on retrouve avec bonheur les sentiers forestiers où l’air rafraîchi promène des odeurs de pluie et de bois coupé. Les sapins nous tendent leur branches aux aiguilles manucurées. À la sortie de la forêt, un hameau silencieux où pointe une chapelle au toit rouge nous accueille.

Puis nous atteignons Sempach, au bord du lac du même nom. Il ne nous reste plus qu’à longer son rivage jusqu’à l’objectif du jour, Sursee. Les huit kilomètres s’étirent sur un chemin monotone où le train nous ébouriffe en passant. Le lac ne se montre qu’entre les palissades des pavillons dont les propriétaires n’ont pas encore débarqué pour la saison estivale. Volets fermés et panneaux « Propriété privée » – leur carré d’herbe reste bien gardé.

La dernière longue ligne droite nous amène à Sursee. Malgré les trente kilomètres avalés, les jambes fatiguées apprécient la promenade sur les pavés de la vieille ville. Sursee a été distinguée par le prix Wakker qui récompense un développement urbanistique de qualité, prenant en compte la qualité des espaces publics et la mise en valeur du patrimoine historique. Un joli endroit pour terminer la première étape de cette randonnée alphabétique.

À quelques minutes de Sursee, le Mauensee dessine une gouille idyllique où pullule et bourdonne un monde minuscule. On s’immerge dans les herbes sauvages au son des grenouilles, s’arrêtant pour admirer les libellules et chasser les moustiques. Le sol marécageux embrasse nos baskets et chatouille nos chaussettes, mais il est trop tard pour rebrousser chemin.

Au centre du lac, la petite presqu’île accueille le château de Mauensee. La belle bâtisse ressemble davantage à une maison de maître, que nous admirons entre les barreaux du portail fermé au public.

Le sentier s’égare ensuite dans la campagne, entre les champs d’orge et de colza, les prairies fleuries et les bosquets. On admire les fermes anciennes, les volets colorés et les potagers méticuleusement ordonnés.

Après quelques carrefours, nous arrivons dans une vaste plaine marécageuse. Paradis des ornithologues, la réserve naturelle du « Wauwilermoos » abrite nombre d’espèces animales et végétales que l’on guette depuis la tour d’observation au cœur de la broussaille.

Le marais de Wauwil est la principale zone de nidification du vanneau huppé, un oiseau aux couleurs irisées dont la tête est surmontée d’une antenne. Le site de la station ornithologique m’apprend qu’il est connu pour « sa voix de synthétiseur qui accompagne ses acrobaties aériennes » (il y a évidemment un enregistrement) mais surtout qu’il figure dans la liste rouge des espèces menacées en Suisse sous « en danger ».

La promenade se poursuit à travers champs jusqu’au bruissement d’une rivière. Un joli pont en bois franchit la Wigger et nous mène vers Alberswil. On ne se laisse pas berner par le nom du village : nous sommes ici dans le district de Willisau, la fin de l’alphabet est proche. Avant cela, on s’autorise enfin un peu de dénivelé au cœur de cette plate randonnée. On s’essouffle en grimpant la colline accolée au village d’Alberswil jusqu’à la ruine Kastelen. La tour construite au 13e siècle comporte aujourd’hui une plateforme offrant un magnifique coup d’œil sur la région.

C’est le dernier vrai émerveillement de la promenade. D’ici, le sentier redescend vers Gettnau et longe la route principale pendant près de quatre kilomètres. Le beau temps ne fait pas uniquement notre bonheur : les motard·es et les adeptes de voitures anciennes promènent leur bolides rugissants sur les routes ensoleillées. On se tasse sur le trottoir en détournant la tête vers les collines herbeuses.

Après deux jours et une cinquantaine de kilomètres parcourus, nous atteignons finalement l’objectif en milieu d’après-midi. À Zell, « la vie est Bell » annonce l’immense affiche devant les usines lucernoises de l’entreprise de boucherie. Comme pour 10’500 poulets chaque heure (!), c’est ici, au cœur de la petite ville de Zell que notre chemin s’arrête. Le train quitte le canton de Lucerne pour celui de Berne avant de filer vers la maison.


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Mots clés : de A à Z | Lucerne | nature | randonnée

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Je m’appelle Camille et je suis touriste professionnelle (entre autres). J’ai créé Lève l’encre en 2017 pour partager le récit de mes voyages à la découverte des paysages de Suisse et d’ailleurs. J’espère te donner envie de voyager, notamment en privilégiant le train – pour la planète, mais aussi parce que c’est une expérience exceptionnelle.

[photo: © Simon Brunet]

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