Le carnet kaki décoré de minuscules fleurs blanches est resté fermé pendant près d’un an. Calfeutrées à l’abri de la lumière, les émotions de ce voyage avaient besoin de décanter. Puis, j’ai soudain senti qu’il était temps de replonger dans ces pages noircies sur le coin d’une table de café ou dans le bringuebalement d’un train. Voici donc le premier chapitre de mon périple en Écosse. Bienvenue à bord ! Prochain arrêt : Édimbourg.
Vendredi 16 août 2024. Levée aux aurores, je grimpe dans le train pour Frasnes. C’est la première fois que j’emprunte ce chemin pour rejoindre Paris. D’habitude, je passe par Lausanne ou par Vallorbe mais aujourd’hui, le voyage commence par un lever de soleil sur le lac de Neuchâtel. La lumière du matin scintille sur l’eau lisse et réchauffe le vert des vignes. On grimpe vers les collines boisées du Jura où les épines des arbres retiennent un étonnant brouillard. Léger et mystique, il se lèvera dans quelques heures à peine.
Le train se dirige vers Pontarlier, traversant des villages au charme suranné. J’adore cette région ; il faudra que je revienne et que je prenne le temps de m’arrêter. À Frasne, l’écran prédit 20 minutes de retard, mais le TGV n’en fait qu’à sa tête et entre en gare pratiquement à l’heure prévue. D’ici, il file à toute vitesse vers Paris. Un métro, un autre, une nouvelle gare et j’embarque dans l’Eurostar. Sous la Manche, les aiguilles de la montre reculent d’une heure et me voici déjà à Londres en début d’après-midi.

C’est une escale dans mon périple, je n’aurai donc que peu de temps pour m’imprégner de la capitale. Une fois mon sac déposé dans la petite chambre d’une cité universitaire, je sors me perdre dans Covent Garden, quartier piéton et touristique où s’amassent boutiques, terrasses et pubs. Il fait chaud et la foule me ballotte d’une rue à l’autre. Je retourne dans le calme de ma chambre le temps de retrouver mes esprits et en ressors en début de soirée, chaussée de mes baskets. Mon idée est de relier les classiques londoniens à la course en partant de Tower Bridge, où je me rends en métro. Les transports publics sont plutôt coûteux mais faciles d’utilisation. Presque trop : pas besoin d’acheter de ticket si l’on prévoit un seul trajet, il suffit de poser sa carte de crédit sur les bornes sans contact de l’entrée du métro, et le portique s’ouvre.
Je sors du Tube à quelques encablures de Tower Bridge et me laisse émouvoir par les reflets du soir sur ce décor si emblématique de Londres. La City brille dans le ciel orangé. Je cours sur les quais, slalome parmi les gens et traverse la Tamise. Je passe devant l’impressionnante St-Paul’s Cathedral avant de retrouver le bord de l’eau. Bientôt, j’aperçois la grande roue sur la rive d’en face et le Big Ben, un peu plus loin. La lumière est magique. Combinée à l’effort, elle remue mes émotions. Il faut dire que j’ai la tête et le cœur embrouillés. J’ai attendu ce voyage depuis longtemps, car au bout de tous ces trains m’attendent de précieuses retrouvailles. Je m’engage dans le quartier du Parlement jusqu’à l’abbaye de Westminster. J’en fais le tour loin de la foule et revient au pied du Big Ben. C’était mon objectif, mais je n’ai pas envie de m’arrêter. Je traverse encore le pont de Westminster et termine finalement ma course devant le Tate Museum. Le soleil a disparu derrière la skyline lorsque je traverse la Tamise en marchant, savourant ce moment suspendu.




Le train pour Édimbourg part à 8:00 précise de King’s Cross. Il suffit de quelques instants pour que le décor urbain laisse la place à la nature. Des champs d’un vert sec aux accents fauve tapissent la campagne entre les petites bourgades aux maisons toutes pareilles. Brique rouge, encadrement de fenêtre blanc, petite cheminée – ctrl+C, ctrl+V. La ligne de l’horizon disparaît parfois derrière d’immenses entrepôts – toujours en brique rouge – avant qu’on ne replonge dans un décor campagnard de champs blonds bordés d’arbres trapus.
À mesure qu’on monte vers le nord, le tableau s’ensauvage. Les villes se font villages, les champs collines, les routes rivières. Au loin, des troupeaux de moutons mouchettent les praires de petits points blancs. Je me sens bien. J’ai hâte de voir Édimbourg et ressens la sensation agréable et si familière qui m’étreint quand je pars. C’est un nymphéa rosé qui fleurit quelque part entre mon ventre et mon cœur.
Comme à la maison, les moissonneuses-batteuses lacèrent les champs, poursuivies par une nuée d’oiseaux attirés par les entrailles de la terre fraîchement retournée. Le train longe la côte près de Berwick-upon-Tweed, où la pierre grise remplace la brique. Moins de cinq heures après mon départ de Londres, j’aperçois les contours de ma destination.


Quand j’arrive à Édimbourg, je grimpe directement dans la vieille ville. J’ai un rendez-vous qui ne peut pas attendre. Le centre historique me fait l’effet d’une machine à laver : une foule collante et bruyante entrave le passage, remuant au ralenti dans un océan d’éclats de voix et de klaxons. Mon gros sac à dos pèse sur mes épaules. Je m’arrête au coin d’une rue pour retrouver mon équilibre et scruter plus attentivement les visages qui s’agitent. Heureusement, les yeux que je cherche trouvent bientôt les miens, aussi pétillants que nos sourires. C’était long, trois semaines… On descend la rue principale et, déjà, j’oublie l’oppression de la foule, trop avide de rattraper ce qu’il y a à raconter. J’écoute les recommandations et me laisse guider dans la capitale écossaise, découvrant son charme loin de l’artère touristique. On s’échappe à Portobello Beach où l’on passe une heure de vacances à l’anglaise – soleil timide et baignade glacée.
Dans la ville, la nature est partout. Les arbres et les parcs dessinent des poumons verts sur la carte et offrent d’agréables refuges. Au bout d’une promenade magnifique, on atteint Arthur’s Seat. La montagne semble impressionnante mais elle est très facile d’accès. Il faut une petite demi-heure depuis la ville par un joli chemin qui surplombe le lac de Duddingston. On grimpe le long d’une route délimitée par des murs de pierres et des ronces pleines de mûres sauvages avant de quitter le bitume pour les plaines herbeuses. La nature est sèche, parsemée de fleurs jaunes ou violettes. Au sommet, la vue et le vent ébouriffent. On contemple Édimbourg d’en haut, ses pierres grises et froides, ses avenues, ses clochers et la mer, juste à côté.




De retour en ville, on évite toujours soigneusement le vortex du Royal Mile en lui préférant les petites places animées par la saison estivale. En plus du Tattoo, le Fringe Festival agite la capitale. Des centaines de pièces de théâtre, du stand-up et des comédies musicales sont à l’affiche durant le mois d’août. On choisit un spectacle presque au hasard qui se joue dans une cantine en forme de vache à l’envers, emblème du festival. La performance est époustouflante et on en ressort hilares.

J’ai encore un peu de temps pour explorer Édimbourg en solitaire. Je me rends d’abord à Dean Village, joli quartier au bord de la Leigh. J’en suis le courant jusqu’à Stockbridge et m’égare dans la magie du jardin botanique. Je remonte dans les quartiers résidentiels vers Circus Lane, une rue tout droit sortie d’un village écossais. Édimbourg se visite facilement à pied pour qui ne craint pas les escaliers. On peut aussi profiter des bus bordeaux à deux étages qui desservent ses nombreux points d’intérêt.




Après avoir arpenté Princes Street, l’artère qui offre une magnifique vue sur le château et la vieille ville, je monte du côté de Carlton Hill. Je paie les six livres qui me donnent accès au Nelson Monument et profite d’un panorama superbe depuis sa plateforme d’observation.
Édimbourg m’a rincée. J’ai été dépassée par la frénésie qui l’anime, par les gens, le bruit et par mes émotions. En m’éloignant un peu, j’ai pourtant découvert une ville magnifique, pleine de charme et de mystère. J’ai aimé le rire incessant des mouettes au-dessus de nos têtes, la silhouette majestueuse du château perché sur la colline et la gare tout en bas, avec ses voies plongées dans un feuillage foisonnant qui pourraient avoir été dessinées par Miyazaki. J’ai même apprécié les façades maussades qui semblent ne jamais se remettre des larmes qui ruissellent d’un ciel souvent capricieux.
La météo est âpre, instable. Il fait frais et le vent n’a de cesse d’emmêler mes cheveux encore dorés du soleil de la maison. Il est différent, ici ; même lorsqu’il brille, il semble voilé. Édimbourg est une ville d’automne, elle a une vibe de feuille morte.

Le voyage continue ! Après Édimbourg, on part bientôt vers le Nord à la découverte des plus beaux lochs d’Écosse, sur les sentiers sauvages qui longent la côte puis plongent dans le parc national des Cairngorms. Reste encore un peu, le spectacle est loin d’être terminé.

Rejoindre Édimbourg en train depuis la Suisse n’a rien de compliqué. Cela prend évidemment un peu plus de temps qu’en avion, mais le voyage émet 16x moins de CO2 (j’ai fait le calcul sur Lowtrip) et se révèle 18x plus joli (estimation personnelle).
Mon itinéraire :
▪️ Avenches – Paris : 5h30
▪️ Paris – Londres : 2h30
▪️ Londres – Edimbourg : 4h30
Je prends généralement mes billets de train sur Trainline. C’est facile et souvent à bon prix. Télécharge l’application pour le voyage, ça te permet d’être informé·e en cas de changement ou de retard. Et tu peux maintenant aussi (enfin!) acheter des billets internationaux en ligne auprès des CFF.
Je n’ai plus très envie de faire des guides de voyage par ici. Plutôt que d’entasser des listes d’incontournables et de trucs à éviter, de chercher à tout prix des spots secrets ou de juger un endroit en l’ayant arpenté à peine trois jours, je veux raconter une expérience – la mienne. Bien que parsemés d’images, mes articles sont avant tout des textes parce que c’est mon moyen le plus authentique de raconter ce que j’ai vu, ressenti, aimé.
Si tu as des questions pour organiser ton propre voyage à Édimbourg, cela ne t’aura probablement pas vraiment aidé·e. J’y réponds cependant volontiers en commentaire.






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