Sighişoara et Sibiu, la Transylvanie colorée

4 mars 2023

Dans le dernier chapitre de mes aventures roumaines, je t’emmène à la découverte de deux villes incontournables de Transylvanie. On commence par la petite Sighişoara, envoûtante et pétillante mosaïque de couleurs, avant de rejoindre l’élégante Sibiu, où les toits sont percés de curieux yeux qui veillent sur la ville.

J’ai quitté Cluj Napoca dans la matinée. Il me faut un peu plus de trois heures de voyage dans un décor fait de champs, de petits villages et de rivières, dans un paysage ondulé et tout en relief pour rejoindre Sighişoara. Le train est toujours aussi agréable, confortable, lent mais ponctuel. Je prends autant de plaisir à explorer les villes roumaines qu’à les rejoindre, et c’était justement l’idée du voyage.

Sighişoara est une petite ville et cela me fait du bien de retrouver des ruelles à taille humaine après Braşov et Cluj. En sortant de la gare, je tombe nez à nez avec un cortège folklorique. Une cinquantaine de personnes, adultes comme enfants, défilent en costume traditionnel au son d’un très modeste orchestre composé d’un saxophone et d’un accordéon. La scène m’étonne, car au bord de la route, aucun public n’applaudit ce défilé. Sur le chemin qui mène au centre-ville, je passe devant l’impressionnante Église de la Sainte-Trinité, avant de traverser la rivière de Târnava Mare où patientent quelques pêcheurs, les pieds dans l’eau.

Sighişoara est un arc-en-ciel enfermé dans une citadelle. C’est en tout cas mon impression première, mais lorsque je grimpe au sommet de la Tour de l’Horloge, je constate que les couleurs dégoulinent au-delà de l’enceinte historique et peignent les façades des monuments qui se dressent à ses pieds.

La ville est «un témoignage remarquable de la culture des Saxons de Transylvanie», lit-on sur le site de l’UNESCO, qui compte Sighişoara dans sa liste du patrimoine mondial. À la frontière entre la culture latine et la culture byzantine orthodoxe, elle rayonne d’un charme pittoresque qui me séduit dès les premiers instants.

J’ai adoré arpenter le centre historique, super photogénique avec ses maisons basses et ses ruelles tortueuses. Sous mes pieds, les pavés sont plutôt de gros galets lisses qui rendent le chemin inégal et obligent à garder un œil au sol pour éviter de s’encoubler. La vue depuis la Tour de l’Horloge, dont je parlais juste avant, en vaut vraiment la peine. Avant d’atteindre le sommet, on visite le musée historique qui se déploie dans les étages de la tour.

Je suis montée à l’église de la colline mais n’y ait rien trouvé d’intéressant, si ce n’est l’escalier couvert en bois qui y mène et le cimetière – si l’on peut considérer que le terme «intéressant» est approprié. Je ne suis pas entrée dans l’église, l’intérieur ne semblant pas valoir les 10 lei à payer pour la visite. J’ai préféré quitter la citadelle pour flâner dans les rues plus larges qui serpentent à la hauteur de la rivière. J’y retrouve la circulation et constate que la pâleur des véhicules contraste avec les couleurs éclatantes des maisons.

En regardant plus en détail la carte de la Roumanie et les horaires de train, je me rends compte que l’itinéraire que j’ai suivi n’est pas le plus logique. J’aurais pu m’arrêter à Sighişoara plus tôt dans le voyage et ainsi y passer davantage de temps. Mais je conviens cependant que quelques heures me suffisent pour avoir un aperçu de la ville sans rester sur ma faim. À moins que ce ne soit la conséquence de la dégustation des papanaşi, sorte de beignets servis avec de la crème et de la confiture de myrtille. Andreea, la guide de Cluj, avait bien fait de mentionner que ce dessert traditionnel roumain était parfois mangé comme plat tant il est copieux.

Après une nuit dans un hôtel très accueillant, il est déjà temps de quitter Sighişoara pour rejoindre la dernière étape de mon voyage. J’arrive à 9h30 à Sibiu, ou le soleil m’accueille une fois encore. En découvrant le centre-ville, je ressens le même plaisir et la même excitation qu’à Braşov. Et une certaine gratitude pour ce fascinant périple qui m’aura emmenée à travers la Roumanie d’est en ouest.

Sibiu est une très belle ville. Je ne me lasse pas des façades somptueuses aux teintes audacieuses. Mon hôtel est en plein centre, on y accède par un escalier pittoresque qui relie la vieille ville à la basse ville. Tout s’aligne ce matin-là: alors que je cherche l’entrée de l’établissement pour y déposer mon sac, mon téléphone vibre. C’est la réception de l’hôtel qui souhaite savoir quand est-ce que je pense arriver. «Mmh, maintenant, je crois», «Vous êtes devant la porte verte?», absolument. Le dos allégé, je m’en vais découvrir Sibiu ou Hermannstadt comme l’appelaient les colons allemands qui la fondèrent au 12ème siècle.

Le centre historique est composé de deux places, la Grande et la Petite, entourées d’édifices remarquables. Sur la première, on s’active pour monter les chalets en bois du marché de Noël. L’immense sapin est déjà en place, orné de généreuses boules brillantes. Comme d’habitude, je commence par prendre de la hauteur en montant dans la Tour du Conseil. Pour seulement 2 lei, on profite de ce qui doit certainement être le meilleur coup d’œil sur la ville.

Une fois redescendue, je m’aventure sur la Petite Place et au pied de l’imposante église évangélique. Sa construction a duré plus de deux siècles. Je prends le temps d’admirer son superbe toit bariolé et profite d’avoir la tête levée pour m’arrêter sur les fameux «yeux de Sibiu». Ces fenêtres creusées dans les toits qui permettaient de ventiler les greniers donnent aujourd’hui un caractère espiègle au décor.

En s’éloignant du centre-ville, on découvre de très jolies ruelles mais elles sont malheureusement envahies de voitures, ce qui gâche un peu leur charme. J’ai bien aimé la petite Place des Orfèvres, lovée au pied d’un escalier qui me permet de retrouver le centre.

À partir de la Grande Place, on flâne dans la large rue piétonne Nicolae Balcescu qui regorge d’enseignes et de restaurants. On boit un très bon café chez Hug the Mug avant de bifurquer au bout de la rue pour suivre l’ancien tracé des remparts. Deux tours subsistent dans cette allée piquée d’arbres dorés.

À la hauteur du musée d’histoire naturelle, on descend vers l’arrêt de bus pour prendre le numéro 13 jusqu’au musée Astra. Un peu comme le musée du Village de Bucarest, il regroupe une vaste sélection de maisons et d’édifices traditionnels de Transylvanie. J’ai lu qu’il s’agissait pour beaucoup du plus beau musée en plein air de Roumanie, mais j’ai personnellement préféré celui de Bucarest. Cela tient probablement au fait que le mois de novembre semble ici vraiment hors de la saison touristique.

Il y a très peu de monde et très peu de vie contrairement à l’été, lorsque le musée est animé par la reproduction d’activités artisanales et traditionnelles. Quoi qu’il en soit, la promenade est très agréable après l’effervescence de la ville. Le musée se trouve dans un vaste parc avec deux lacs magnifiques. Quelques semaines avant ma visite, les couleurs devaient être encore plus chatoyantes.

La fin du séjour arrive, le train partira demain matin pour Budapest puis pour la Suisse. J’aurais aimé avoir un jour de plus pour découvrir Sibiu, même si comme à Sighişoara, je n’ai pas l’impression de partir en ayant manqué quelque-chose. Les effluves du dernier soir resteront suspendues encore longtemps dans les souvenirs de ce voyage. Alors que la nuit tombe, je me laisse happer par le chant solennel de l’orgue qui s’échappe de l’église au moment où moi-même je m’échappe de ma chambre.

Dans le joli restaurant en plein centre historique, l’ambiance est chaleureuse, l’accueil attentionné et la cuisine locale plaisante. En sortant, il y a la nuit qui enveloppe le décor de sa douce obscurité, ce dernier regard embrassant la Grande Place endormie, les boules du sapin gigantesque qui reluisent dans la pénombre et, enfin, les toute premières gouttes de pluie du séjour – comme si le ciel partageait l’amertume que mon départ imminent instille dans mon esprit un peu, dans mon cœur surtout.


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Je m’appelle Camille et je suis touriste professionnelle (entre autres). J’ai créé Lève l’encre en 2017 pour partager le récit de mes voyages à la découverte des paysages de Suisse et d’ailleurs. J’espère te donner envie de voyager, notamment en privilégiant le train – pour la planète, mais aussi parce que c’est une expérience exceptionnelle.

[photo: © Simon Brunet]

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