C’était une journée en forme de course d’école. Une fois n’est pas coutume, j’ai troqué le train pour le bateau; une excursion lacustre qui commence à Morat, passe par le lac de Neuchâtel et nous dépose sur la terre ferme du côté de l’île St-Pierre.
On ne va pas se mentir, les temps sont durs pour l’industrie du tourisme. Cet été déjà, j’avais lu dans plusieurs médias que les compagnies de navigation buvaient la tasse. L’occasion de s’interroger sur l’éternelle nécessité pour les journalistes de placer des jeux de mots pourris dans leurs titres, mais également sur la possibilité de contribuer modestement à éviter le naufrage (oui, je suis un peu journaliste, désolée). C’est dans cette optique que s’est organisée cette petite couse d’école.
Cette année, je me suis beaucoup moins promenée seule que d’habitude, et c’était cool aussi. La plupart des derniers articles (à part le Tessin, l’Augstmatthorn et mes pérégrinations à la maison) racontent des expéditions en bonne compagnie, et celui-ci n’y manque pas. Avec Léa, nous avons profité d’un agréable vendredi de congé et voguer sur les trois lacs qui s’étendent au pied de nos maisons.
Notre périple commence donc à l’embarcadère de Morat où nous montons à bord du «Ville d’Yverdon». Je me permets de signaler que les noms des bateaux de la Société de Navigation sur les lacs de Neuchâtel et Morat laissent à désirer. Ce serait autrement plus exaltant de naviguer à bord de l’«Intrépide biennois», du «Vaillant vullerain» ou du «Fougueux de la Tène» mais ok, on n’est pas des pirates.
Nous ne sommes pas les seules à avoir eu envie de passer la journée sur le lac, apparemment: de nombreuses personnes – un peu plus âgées et un peu mieux emmitouflées que nous – squattent rapidement le restaurant et les ponts du bateau. Heureusement, les bancs trempés du pont arrière sont encore libres. Cheveux au vent et visage masqué, nous regardons la jolie cité s’éloigner derrière nous. Le lac de Morat est vite traversé, on aperçoit déjà les rivages vullerains, les vignobles aux couleurs d’automne et les restes de brume qui s’accrochent aux arbres et donnent cette ambiance si particulière aux matins d’octobre.
Dans le canal de la Broye, qui nous permettra de rejoindre le lac de Neuchâtel, on passe à l’avant bateau. S’il ne fallait faire qu’une partie de notre périple (plus de six heures de bateau sur la journée, quand même), ce serait celle-ci. Tel Narcisse, l’automne contemple son reflet sublime dans la surface de l’eau. Le paysage est à couper le souffle.
L’équipage n’hésite pas à troubler la quiétude de ces instants en usant (abusant?) du klaxon aussi souvent que possible et du micro aussi souvent que nécessaire pour rappeler que «le port du masque est obligatoire à l’intérieur comme à l’extérieur du bateau». Saleté de virus.
Le canal débouche finalement dans le lac de Neuchâtel. Pendant la traversée, la brume efface les rivages et nous fait oublier que nous sommes sur un lac. Les mouettes sautent sur l’occasion pour offrir leur meilleure imitation des goélands et le cocktail m’achève – je les ai enfin, mes vacances à la mer.
Après l’arrêt à Neuchâtel, nous longeons les côtes pour rejoindre le canal de la Thielle, qui nous transporte dans le troisième et dernier lac du jour. Nouveaux rivages, nouveaux vignobles mais toujours le même plaisir pour les yeux. Juste avant 13h30, notre bateau atteint le débarcadère de l’île St-Pierre où nous descendons.
Petit paradis sur le lac de Bienne, cet endroit avait déjà séduit Jean-Jacques Rousseau qui s’y réfugia quelques semaines en 1765. Arrivé à l’automne, il dû lui aussi se laisser séduire par la beauté de la nature à cette période de l’année. Un siècle plus tard, la première correction des eaux du Jura fera baisser le niveau des trois lacs, transformant l’île St-Pierre en presqu’île. Entièrement interdite au trafic, elle est aujourd’hui une réserve naturelle où on se promène volontiers à pied ou à vélo.
On s’offre une pause au cloître devenu restaurant, où séjourna justement Rousseau. C’est l’une des rares constructions au milieu de cette nature préservée.
Le prochain bateau passe dans deux heures, nous laissant le temps d’explorer la forêt et les plages sauvages. Vers 15h30, nous rejoignons le petit port où attendent déjà de nombreuses personnes – les voyages en bateau séduisent toutes les générations.
Le retour se fait par le même chemin, mais avec superbe coucher de soleil sur le Vully en guise de cerise sur le bateau (ok, ce jeu de mot est probablement la pire façon de finir mon récit, mais attends la photo finale de Léa et du coucher de soleil, promis ça compense!).
Informations utiles
En cette période de pandémie, c’est important de soutenir le tourisme local et je t’invite à le faire dès que possible (et évidemment à rester chez toi si la situation sanitaire l’exige!).
⛵ Les horaires ont dû être adaptés, consulte bien le site de la Société de Navigation avant ton excursion.
⛵ Si tu as envie de voguer sur les flots mais n’as pas non plus un rein à offrir, je te conseille vivement d’acheter un carte journalière, car elle est également valable sur la plupart des trajets en bateau. N’oublie pas les cartes des communes ou celles des CFF pour économiser encore un peu.
⛵ Si tu ne veux pas attendre le cloître de l’île St-Pierre pour apaiser ta faim, tu peux manger à bord (réserve peut-être en avance, pour être sûr·e).
⛵ Autre idée: tu peux descendre un arrêt plus tôt, à Erlach/Cerlier, visiter la jolie bourgade et rejoindre ensuite le centre de l’île St-Pierre à pied (environ 5 kilomètres).
Et ici encore le parcours de cette longue croisière:
Chouette article ! Et les photos sont superbes, bravo !
Merci beaucoup! La lumière est exceptionnelle, cet automne 😍