Scuol, au pays des sources

3 décembre 2024

La Basse-Engadine séduit par son climat, son dialecte mélodieux et l’eau pure qui jaillit de ses sources minérales. Creusée dans les montagnes qui cabossent la Suisse extrême-orientale, la vallée ensoleillée est un parfait terrain de jeu pour les randonneurs et randonneuses – en été, en hiver et entre deux.

« Allegra ! » La langue est douce, mystérieuse et chantante. On croirait presque que notre oreille peut la comprendre, mais il faudrait quelques cours pour maitriser les méandres du romanche. La Basse-Engadine fait partie des deux régions des Grisons où la quatrième langue nationale est encore activement parlée. Plus précisément, il s’agit ici du vallader – le bas-engadinois.

À Scuol, je l’entends dans la rue et la déchiffre sur les façades des jolies maisons. Dominé par d’impressionnants sommets, le village a poussé au bord de l’Inn, sur un territoire tout en reliefs. Il tient son nom du latin scopulus, qui signifie précipice et fait référence à l’emplacement de son église. On s’y promène à pied, prenant le temps de savourer le charme des habitations traditionnelles – leurs murs épais et leurs fenêtres profondes, la couleur pastel des façades et les dessins qui les agrémentent.

Depuis l’hôtel, je contemple les impressionnantes montagnes qui se dressent en face. La Basse Engadine partage un bout du Parc national Suisse avec les vallées voisines, dont les sommets qui me font face. Sur leurs flancs ombragés, la nature peint la transition des saisons : en bas c’est l’automne, en haut l’hiver. Mes yeux glissent sur la montagne et voient les mélèzes dorés devenir gris, comme si l’imprimante avait progressivement manqué d’encre. Le mélange est magnifique.

Sur le versant d’en face, baigné de soleil, la saison de ski commencera bientôt. En attendant l’ouverture des télécabines, on peut encore profiter du vaste maillage de chemins de randonnée qui quadrillent forêts et pâturages. Depuis le village de Scuol, encore blotti dans l’ombre du matin, je débute la promenade en remontant le long de la gorge Clozza, où coule la source d’eau minérale du même nom. J’ai prévu de rejoindre Motta Naluns, le sommet qui s’élève juste au-dessus.

Je suis un étroit sentier que la carte indique en particulier pour le trail. Ça grimpe entre les arbres, au son de la rivière qui jaillit de la montagne. La Basse-Engadine et l’eau, c’est une longue histoire d’amour. Emprisonnée dans des stalactites scintillantes, dévalant les montagnes ou bouillonnant dans les bains thermaux, elle compose le paysage et les activités touristiques de la région.

Seule au monde, je grimpe entre les arbres sur un sol gelé. Les aiguilles sont tombées, couvrant la neige d’une fourrure fauve. Ça et là, des petites pommes de pins ont roulé sans un bruit au pied des hauts troncs. Le ciel bleu pâle, dépourvu du moindre nuage, attend l’arrivée du soleil. Il ne va plus tarder ; je le vois déjà couler sa peinture dorée sur l’arrête des montagnes derrière moi.

Il jaillit lorsque j’atteins un pâturage dégagé, effleurant de ses rayons la neige dure qui craque sous mes pas. Encore quelques virages en épingle sur une sentier étroit et j’atteins le sommet de Motta Naluns. Les larges pistes de ski semblent prêtes pour la saison, mais le restaurant est encore emballé dans des échafaudages. En passant devant, je perçois l’odeur du bois fraîchement travaillé et le bruit des outils au milieu de quelques éclats de voix.


Après avoir profité du panorama et éternué quelques fois en réflexe à l’éblouissement, j’entame la descente en direction de Ftan. Ça glisse un peu mais je calque mes pas sur ceux creusés ces derniers jours. La neige est un passionnant révélateur de l’utilisation du territoire. En ville, elle montre combien la voiture domine et profite de la plus grosse part du gâteau, laissant quelques miettes aux cyclistes, aux piétonnes et aux piétons. En montagne, les traces humaines semblent prendre une place disproportionnée. À côté de nos empreintes, je repère le passage de quelques animaux. Des sabots, des coussinets, des griffes… le langage de la faune ainsi imprimé dans la neige m’est étranger mais c’est certain il y a de la vie, ici !


J’arrive à Ftan les joues rosies par le froid et le soleil. Le joli village vit de l’agriculture et du tourisme, comptant de nombreuses échoppes d’artisanat local. Je m’arrête le temps d’immortaliser l’église et son clocher à bulbe dans ce décor de carte postale.

Je reprends la route de Scuol en suivant les panneaux jaunes. Je marche sur un petit bout du chemin de Compostelle, superbe belvédère sur la vallée et sur le château de Tarasp, juste en face. Son nom et on allure de froide forteresse haut perchée me rappellent avec nostalgie la Roumanie. Construit au 11e siècle, le château de Tarasp a appartenu à l’Autriche et été le théâtre de nombreuses batailles. Propriété de l’artiste engadinois Not Vital, le château est aujourd’hui un lieu culturel très important pour les Grisons et au-delà, proposant de l’art contemporain, un parc de sculptures et un accès public permanent.

Sur un large chemin dégagé, la descente vers Scuol est agréable. Le temps magnifique attire nombre de promeneurs et promeneuses. Cela n’a rien d’exceptionnel ; la vallée de Basse-Engadine est réputée pour son climat ensoleillé. Sur ce versant en particulier, le soleil de novembre a fait fondre la neige, traçant des géoglyphes blancs dans le vert des pâturages.

Au fond de la vallée, juste au bord de l’Inn, un bâtiment allongé percé de hautes fenêtres et surmonté d’une tourelle attire mon attention. C’est la Büvetta de Tarasp, une « salle de boisson » qui témoigne de la grande époque du tourisme thermal. Dès le 19e siècle, on venait de toute l’Europe en Basse-Engadine bénéficier du pouvoir de guérison attribué à l’eau minérale, s’y baigner et la consommer.
Plus de vingt sources jaillissent autour de Scuol, dont dix ont été captées. Aujourd’hui, on peut déguster cette eau directement aux nombreuses fontaines du village et profiter de ses bienfaits dans les bains thermaux de Bogn Engiadina. L’endroit idéal pour une parenthèse de détente après les efforts de la journée.


Informations utiles

Au sujet de la Basse-Engadine
En plus d’être magnifique, la Basse-Engadine est une destination particulièrement engagée dans la durabilité. Elle se prête à un tourisme lent, où l’on prend le temps d’être au contact de la nature sans l’exploiter. L’ensemble des villages de la vallée et des activités proposées sont accessibles en transports publics. Par ailleurs, le secteur touristique soigne la collaboration avec les partenaires locaux, contribuant à préserver le savoir-faire et la culture basse-engadinoise. On peut ainsi déguster du miel local au déjeuner de l’hôtel ou prendre des cours de romanche pendant le séjour.

Au sujet de la randonnée
▪️ Itinéraire : Scuol – Gorges de la Clozza – Motta Naluns – Ftan – Scuol
▪️ Distance : 15 kilomètres
▪️ Durée : environ 4h
▪️ Dénivelé : 860 mètres


J’ai été invitée à Scuol par l’office du tourisme des Grisons et de la Basse-Engadine, que je remercie. Cet article est le reflet de mon expérience et de mon avis personnel. Ce voyage fera également l’objet d’un article dans le Magazine ATE en 2025.

Catégories : automne | nature | Suisse

1 Commentaire

  1. Pierre Lombard 🎅🏼

    Bravo magnifique dossier qui donne très envie
    Joyeuses Fetes

    Réponse

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Je m’appelle Camille et je suis touriste professionnelle (entre autres). J’ai créé Lève l’encre en 2017 pour partager le récit de mes voyages à la découverte des paysages de Suisse et d’ailleurs. J’espère te donner envie de voyager, notamment en privilégiant le train – pour la planète, mais aussi parce que c’est une expérience exceptionnelle.

[photo: © Simon Brunet]

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