L’automne peine à imposer ses couleurs à un mois d’octobre encore trop chaud. Ce n’est donc pas trop tard pour te partager la suite de mon périple estival aux Grisons. Cette randonnée plutôt exigeante m’a emmenée à la découverte d’une fascinante curiosité géologique.
Elles sont particulièrement photogéniques, les marmites glaciaires de l’Alp Mora. J’avais repéré cet endroit impressionnant en faisant quelques recherches avant mon séjour aux Grisons. Des images magnifiques, mais très peu d’infos sur leur emplacement et la façon de les rejoindre. Pas d’itinéraire officiel du côté de SuisseMobile mais quelques infos sur les sites locaux, notamment celui de l’office du tourisme de Trin. J’y lis que c’est une « schwere, lange Wanderung » mais je fais comme si je n’avais pas compris et programme mon réveil aux aurores.
Le lendemain, juste avant 7h, l’air est frais. Le soleil brille déjà timidement mais des voiles de brume s’accrochent aux sommets lorsque j’embarque dans le car postal au centre de Flims. J’en ressors un petit quart d’heure plus tard à Trin, hameau voisin où débute la randonnée.
On ne va pas se mentir, l’objectif était plutôt ambitieux pour la randonneuse en baskets que je suis. Près de 1200 mètres de dénivelé positif, d’abord sur l’asphalte austère puis sur des sentiers plus agréables, à l’ombre des sapins.
Mes recherches préalables m’avaient laissé penser qu’il n’y avait pas d’itinéraire «officiel» pour cette randonnée, mais une fois sur place, ce n’est pas très compliqué. Je marche en fait sur l’ancien chemin alpin, le plus souvent sur d’étroits sentiers bordés d’herbes ébouriffées, d’arbres et de fleurs sauvages. Je savoure la solitude de cette journée d’août. Solitude toute relative: les humains se font rares, mais, à mes pieds, tout un monde s’éveille et grouille de vie. Les insectes sont déjà bien affairés, tournoyant, butinant et bourdonnant au ras du sol.
Plus je grimpe, plus la vue sur les montagnes et la vallée est dégagée. Après plus de trois heures d’ascension, j’aperçois enfin les paravalanches de Platt Alva dont parlaient les quelques descriptions de la randonnée. Ce point de repère m’indique que je suis sur la bonne voie et que mon but n’est plus très loin.
Je marche maintenant sur les prairies du Val Maliens. Ces immenses alpages accueillent des troupeaux de vaches dont plusieurs panneaux nous invitent à nous méfier. Le décor a changé; il n’y a plus de chemin, seulement des traces de pas dans l’herbe. La roche blanche apparaît dans les sillons profonds qui balafrent cet épais tapis de végétation.
J’avais lu que les montagnes autour de Flims forment un haut lieu tectonique témoin de la formation des Alpes. Autour du Piz Sardona, entre les cantons de Glaris, de Saint-Gall et des Grisons, on peut donc admirer le phénomène géologique du chevauchement: lors de la collision des continents européen et africain, des roches vieilles de près de 300 millions d’années ont glissé sur des roches plus jeunes et paf, ça fait des montagnes. (C’est en tout cas ce que j’ai compris de mes recherches, mes connaissances dans ce domaine étant plutôt limitées.)
Parenthèse tectonique fermée, je touche enfin au but de mon ascension. Là, entre les pentes rocheuses d’un blanc éclatant, le soleil se reflète à la surface de l’eau. Les marmites glaciaires sont sous mes yeux, comme un collier de perles déposé dans l’ancien lit du ruisseau. Ces piscines naturelles ont été creusées dans la roche calcaire par le tourbillon répété de l’eau qui ruisselle.
Y a-t-il une corrélation entre la rigueur de l’effort et le bonheur de toucher au but? Probablement. Comme d’hab, le temps semble s’arrêter alors que je m’imprégner de la beauté de ce lieu presque désert.
Si le nom de «marmite» fait évidemment référence à la forme de ces jacuzzis, l’adjectif «glaciaire» ne laisse aucun doute sur la température du l’eau. La baignade est donc courte et revigorante, avant de reprendre la route.
J’ai décidé de ne pas emprunter le même chemin pour le retour, mais de m’aventurer à l’ouest jusqu’à Bargis. Le parcours est plus long, mais moins pentu et joliment varié. J’y croise quelques randonneur∙ses – que je salue évidemment selon le code implicite qui s’applique uniquement en montagne et dans les villages de moins de 1000 âmes – et même des VTTistes aguerri∙es qui dévalent les pentes à vive allure. Sur le chemin, je profite d’un autre coup d’œil sur la vallée. Le Crestasee est à mes pieds, larme turquoise au milieu des sapins.
Une fois de plus, l’immensité de ce théâtre montagneux m’écrase. Les autres randonneurs et randonneuses sont des points presque imperceptibles dans la nature silencieuse. Derrière chaque rocher, le chemin semble prendre de nouveaux détours inattendus. Mais la marche est agréable. Pas de pentes trop raides, plutôt un juste équilibre entre plat, douces pentes et dernières montées caillouteuses.
Le sentier se resserre, longeant la paroi abrupte. Je traverse un impressionnant pierrier – «à mes propres risques», prévient le panneau – qui par météo pluvieuse doit être très dangereux. Mais ce n’est pas le cas, puisque le soleil chauffe tout ce qui est à portée de ses rayons, notamment mes épaules.
Il me faudra un peu plus de trois heures pour arriver à Bargis, où la navette me ramène à la civilisation. L’appli sur mon téléphone estime que j’ai effectué précisément 42’073 pas pendant cette journée, ce que mes jambes fatiguées semblent confirmer – aucune difficulté à trouver le sommeil ce soir-là!
Infos utiles
Itinéraire
J’ai opté pour le parcours Trin – Alp Mora – Bargis, mais on peut également le faire dans l’autre sens, ou encore redescendre par où l’on est monté.
Montée: départ de l’arrêt de car postal Trin, Quadris. Emprunter l’ancien chemin alpin (suivre les panneaux Alpweg ou Alp Mora) pendant un peu plus de 3 heures. On sait qu’on est sur le bon chemin lorsque l’on aperçoit les paravalanches de Platt Alva. Il reste alors environ une heure de randonnée jusqu’aux marmites glaciaires. La montée depuis Trin dure donc un peu plus de 4 heures.
Descente: revenir sur ses pas jusqu’au pied des paravalanches puis prendre le chemin qui part à flanc de coteau (et non celui par lequel on est monté·e). Suivre simplement les panneaux «Bargis». La descente prend environ 3 heures. Depuis Bargis, on peut continuer à pied jusqu’à Trin ou prendre la navette jusqu’à Flims.
Cette vidéo montre le parcours à suivre si on le fait en sens inverse, de Bargis à Trin:
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=KcGbOhKiEGs&w=560&h=315]
Précautions
- Attention, cette randonnée n’est pas une promenade de santé! Ne sois pas inconscient∙e comme moi et préviens des gens de ton entourage si tu l’entreprends. Juste au cas où.
- Il n’y a pas d’auberge ou de restaurant sur le chemin. Pense donc à emporter suffisamment de provisions pour la journée (pour l’eau, on peut remplir sa gourde dans quelques rares sources et évidemment dans les marmites glaciaires).
- En montagne, la météo change très vite. Prévois des habits en conséquence.
- La montagne et la nature ne nous appartiennent pas. Promène-toi toujours avec respect, ne quitte pas les sentiers balisés et ne laisse aucune trace de ton passage. Pour en savoir plus, consulte les 10 conseils du Club Alpin Suisse.
Bonjour,
Je tombe sur votre blog par hasard et je le trouve super. Quel bel article sur cette randonnée qui a l’air magnifique. Bravo 🙂
Merci beaucoup pour votre passage 🙂
Trop belles tes photos!!
Merciii 😉
Cet endroit à l’air magnifique ! L’article est très complet et donne envie, merci. Je prévois justement de visiter les grisons cet été 🙂
top votre article! Merci bcp. Juste besoin de savoir s’il y a des passages vertigineux, mais sans corde/chaine
merci
Merci pour votre commentaire! Le parcours n’est pas spécialement vertigineux. Il y a juste un endroit dans un pierrier avec une corde pour se tenir.